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358 LIYRB IV. LES RÉVOLUTIONS.

plébéien et le patricien, soit pour le droit de propriété, soi' pour les contrats et les obligations, soit pour la procédure. K partir de ce moment, le plébéien comparut devant le même tribunal que le patricien, agit comme lui, fut jugé d'après la même loi que lui. Or il ne pouvait pas se faire de révolution plus radicale, les habitudes de chaque jour, les mœurs, les sentiments de l'homme envers l'homme, l'idée de, la dignité personnelle, le principe du droit, tout se trouva changé dans Rome.

Comme il restait quelques lois à faire, on nomma de nou- veaux décemvirs, et parmi eux, il y eut trois plébéiens. Ainsi après qu'on avait proclamé avec tant d'énergie que le droit d'écrire les lois n'appartenait qu'à la classe patricienne, le progrès des idées était si rapide qu'au bout d'une année on admettait des plébéiens parmi les législateurs.

Les mœurs tendaient à l'égalité. On était sur une pente où l'on ne pouvait plus se retenir. Il était devenu nécessaire de faire une loi pour défendre le mariage entre les deux ordres: preuve certaine que la religion et les mœurs ne suffisaient plus à l'interdire. Mais à peine avait-on eu le temps de faire cette loi, qu'elle tomba devant une réprobation universelle. Quelques patriciens persistèrent bien à alléguer la religion : « Notre sang va être souillé, et le culte héréditaire de chaque famille en sera flétri ; nul ne saura plus de quel sang il est né, à quels sacrifices il appartient; ce sera le renversement de toutes les institutions divines et humaines. » Les pfébéiens n'entendaient rien' à ces arguments, qui ne leur paraissaient que des subtilités sans valeur. Discuter des articles de foi devant des hommes qui n'ont pas la religion, c'est peine perdue. Les tribuns répliquaient d'ailleurs avec beaucoup de justesse : « S'il est vrai que votre religion parle si haut, qu'avez-vous besoin de cette loi? Elle ne vous sert de rien; retirez-la, vous resterez aussi libres qu'auparavant de ne pas TOUS alHer aux familles plébéiennes. » La loi fut retirée. Aussitôt les mariages devinrent fréquents entre les deux ordres. Les riches plébéiens furent à tel point recherchés que, pour ne parler que des Licinius, on les vit s'allier à trois gentes

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