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862 LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

héréditaire. De même qu'un culte domestique était un patri- moine auquel nul étranger ne pouvait avoir part, le culte de la cité appartenait exclusivement aux familles qui avaient formé la cité primitive. Assurément, da'ns les premiers siècles de Rome, il ne serait venu à l'esprit de personne qu'un plébéien pût être pontife.

Mais les idées avaient changé. La plèbe, en retranchant de la religion la règle d'hérédité, s'était fait une religion à son usage. Elle s'était donné des lares domestiques, des autels de carrefour, des foyers de tribu. Le patricien n'avait eu d'abord que du mépris pour cette parodie de sa religion. Mais cela était devenu avec le temps une chose sérieuse, et le plébéien était arrivé à croire qu'il était, même au point de vue du culte et k l'égard des dieux, l'égal du patricien.

Il y avaif, deux principes en présence. Le patriciat persistait à soutenir que le caractère sacerdotal et l'^ droit d'adorer la divinité étaient héréditaires. La plèbe affranchissait la reli- gion et le sacerdoce de cette vieille règle de l'hérédité; elle prétendait que tout homme était apte à prononcer la prière, et que, pourvu qu'on fût citoyen, on avait le droit d'accomplir les cérémonies du culte de la cité; elle arrivait à cette consé- quence qu'un plébéien pouvait être pontife.

Si 'es sacerdoces avaient été distincts des commandements et de la politique, il est possible que les plébéiens ne les eussent pas aussi ardemment convoités. Mais toutes ces choses étaient confondues : le prêtre était un magistrat, le pontife était un juge, l'augure pouvait dissoudre les assemblées pu- bliques. La plèbe ne manqua pas de s'apercevoir que sans les sacerdoces elle n'avait réellement ni l'égalité civile ni l'égalité politique. Elle réclama donc le partage du pontificat entre les deux ordres, comme elle avait réclamé le partage du con- sulat.

Il devenait difficile de lui objecter son incapacité religieuse ; car depuis soixante ans on voyait le plébéien, comme consul, accomplir les sacrifices; comme censeur, il faisait la lustration; vainqueur de l'ennemi, il remplissait les saintes formalités du triomphe. Par les magistratures, la plèbe s'était déjà emparée

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