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30 LIVRE I. ANTIQUES CROYANCES.

Nous lisons dans Servius : « Par foyers les anciens enten- daient les dieux Lares -, aussi Virgile a-t-il pu mettre indiffé- remment, tantôt foyer pour Pénates, tantôt Pénates pour foyer '. » Dans un passage fameux de VÉnéide, Hector dit à Énée qu'il va lui remettre les Pénates troyens, et c'est le feu du foyer qu'il lui remet. Dans un autre passage, Énée invo- quant ces mômes dieux les appelle à la fois Pénates, Lares et Vesta*.

Nous avons vu d'ailleurs que ceux que les anciens appelaient Lares ou Héros n'étaient autres que les âmes des morts, aux- quelles l'homme attribuait une puissance surhumaine et divine. Le souvenir d'un de ces morts sacrés était toujours attaché au foyer. En adorant l'un, on ne pouvait pas oublier l'autre. Hs étaient associés dans le respect des hommes et dans leurs prières. Les descendants, quand ils parlaient du foyer, rappe- laient volontiers le nom de l'ancêtre : « Quitte cette place, dit Oreste à Hélène, et avance vers l'antique foyer de Pélops pour entendre mes paroles». » De même, Énée, parlant du foyer qu'il transporte à travers les mers, le désigne par le nom de Lare d'Assaracus, comme s'il voyait dans ce foyer l'âme de son ancêtre.

Le grammairien Servius, qui était fort instruit des anti- quités grecques et romaines (on les étudiait de son temps beaucoup plus qu'au temps de Gicéron), dit que c'était un usage très -ancien d'ensevelir les morts dans les maisons, et il ajoute : « Par suite de cet usage, c'est aussi dans les mai- sons qu'on honore les Lares et les Pénates*. » Cette phrase établit nettement une antique relation entre le culte des morts et le foyer. On peut donc penser que le foyer domestique n'a été à l'origine que le symbole du culte des morts, que sous cette pierre du foyer un ancêtre reposait, que le feu y était allumé pour l'honorer, et que ce feu semblait entretenir la vie en lui ou représentait son âme toujours vigilante.

1. Senrius, in y£n., 111, «34.

ï. Virgile, En., II, 297; IX, 257-258; Y, 74*.

J. Euripide, Oreste, 1420-1422.

4. Servius, in ^n., V, 64 ; VI, 15». Voj. Platon, Min»*, p. SU : '■•«rw»

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