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CHAP. X. ÉTABLISSEMENT DE LA DÉMOCRATIE. 387

tout privilège était nécessairement en «ontradiction avec l«  principe qui gouvernait alors les hommes. L'intérêt public n'était pas un principe qui fût de nature à autoriser et à main- tenir longtemps l'inégalité. Il conduisait inévitablement les sociétés à la démocratie.

Cela est si vrai qu'il fallut partout, un peu plus tôt ou un peu plus tard, donner à tous les hommes libres des droits po- litiques. Dès que la plèbe romaine voulut avoir des comices qui lui fussent propres, elle dut y admettre les prolétaires, et ne put pas y faire passer la division en classes. La plupart des cités virent ainsi se former des assemblées vraiment populai- res, et le suffrage universel fut établi.

Or le droit de suffrage avait alors une valeur incomparable- ment plus grande que celle qu'il peut avoir dans les États mo- dernes. Par lui le dernier des citoyens mettait la main à toutes les affaires, nommait les magistrats, faisait les lois, rendait la justice, décidait de la guerre ou de la paix et rédigeait les traités d'alliance. 11 suffisait donc de cette extension du droit de suffrage pour que le gouvernement fût vraiment démocra- tique*

Il faut faire une derp^Sre remarque. On aurait peut-être évité l'avènement àe la Odmocratie, si l'on avait pu fonder ce que Thucydide appelle à'kifa.^yj.ix îoo'vo[ao;, c'est-à-dire le gouver- nement pour quelques-uns et la liberté pour tous. Mais les Grecs n'avaient pas une idée nette de la liberté ; les droits individuels manquèrent toujours chez eux de garanties. Nous savons par Thucydide, qui n'est certes pas suspect de trop de zèle pour le gouvernement démocratique, que sous la domi- nation de l'oligarchie le peuple était en butte à beaucoup de vexations, de condamnations arbitraires, d'exécutions violen- tes. Nous lisons dans cet historien a qu'il fallait le régime démocratique pour que les pauvres eussent un refuge et les riches un frein ». Les Grecs n'ont jamais su concilier l'égalité civile avec l'inégalité politique. Pour que le pauvre ne fût pas lésé dans ses intérêts personnels, il leur a paru nécessaire qu'il eût un droit de suffrage, qu'il fût juge dans les tribunaux, et qu*il pût être magistrat Si nous nous rappelons d'aiU«urt

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