Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1920.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

70 LIVRE II. LA FAMILLB.

religion prescrivait d'isoler lo domicile et d'isoler aussi la sépulture : la vie en commun a donc été impossible. La même religion commandait que le foyer fût fixé au sol, que le tom- beau ne fût ni détruit ni déplacé. Supprimez la propriété, le foyer sera errant, les familles se mêleront, les morts seront abandonnés et sans culte. Par le foyer inébranlable et la sépul- ture permanente, la famille a pris possession du sol ; la terre a été, en quelque sorte, imbue et pénétrée par la religion du foyer et des ancêtres. Ainsi l'homme des anciens âges fut dis- pensé de résoudre de trop difficiles problèmes. Sans discussion, sans travail, sans l'ombre d'une hésitation, il arriva d'un seul coup et par la vertu de ses seules croyances à la conception du droit de propriété, de ce droit d'où sort toute civilisation, puis- . que par lui l'homme améliore la terre et devient lui-même meilleur.

Ce ne furent pas les lois qui garantirent d'abord le droit de propriété, ce fut la religion. Chaque domaine était sous les yeux des divinités domestiques qui veillaient sur lui'. Chaque champ devait être entouré, comme nous l'avons vu pour la maison, d'une enceinte qui le séparât nettement des domaines des autres familles. Cette enceinte n'était pas un mur de pierre : c'était une bande de terre de quelques pieds de large, qui de- vait rester inculte et que la charrue ne devait jamais toucher. Cet espace était sacré: la loi romaine le déclarait imprescrip- tible*; il appartenait k la religion. A certains jours marqués du mois et de l'année, le père de famille faisait le tour de son champ, en suivant cette ligne; il poussait devant lui des victi- mes, chantait des hymnes, et offrait des sacrifices '. Par cette cérémonie il croyait avoir éveillé la bienveillance de ses dieux k l'égard de son champ et de sa maison ; il avait surtout mar- qué son droit de propriété en promenant autour de son champ Bon culte domestique. Le chemin qu'avaient suivi les victimes et les prières était la limite inviolable du domaine.

1. Lares affrt imstodes, Tibulle, I, 1, 23. Religio Larum poiita in fundi villaque eonspectu. Cicf^ron, De ûgib., II, 11.

2. Ciceron, De legib., I, 21.

3. Caton, De re rust., 141. Script, rei agrar., édit. Goei, p. 308. Denys 4'H«lic«rna8M, U, 74. Oride, Fast., II, 639. Strabon, Y, J,

�� �