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CHAP. VI. LE DROIT DE PROPRIÉTÉ. 73

Que nul ne s'avise d'ébranler la petite pierre qui sépare l'ami- tié de l'inimitié, la pierre qu'on s'est engagé par serment à laisser à sa place»'.

De toutes ces croyances, de tous ces usages, de toutes ces lois, il résulte clairement que c'est la religion domestique qui a appris à l'homjne à s'approprier la terre, et qui lui a assuré son droit sur elle.

On comprend sans peine que le droit de propriété, ayant été ainsi conçu et établi, ait été beaucoup plus complet et plus ab- solu dans ses effets qu'il ne peut l'être dans nos sociétés moder- nes, où il est fondé sur d'autres principes. La propriété était tellement inhérente à la religion domestique qu'une famille ne pouvait pas plus renoncer à l'une qu'à l'autre. La maison et le champ étaient comme mcorporés à elle, et elle ne pouvait ni les perdre ni s'en dessaisir. Platon, dans son Traité des lois, ne prétendait pas avancer une nouveauté quand il défendait au propriétaire de vendre son champ : il ne faisait que rappeler une vieille loi. Tout porte à croire que dans les anciens temps là propriété était inaliénable. Il est assez connu qu'à Sparte il était formellement défendu de vendre sa terre'. La même interdiction était écrite dans les lois de Locres et de Leu- cade*. Phidon de Corinthe, législateur du neuvième siècle, pre- scrivait que le nombre des familles et des propriétés restât im- muable*. Or, cette prescription ne pouvait être observée que s'il était interdit à chaque famille de vendre sa terre et même de la partager. La loi de Selon, postérieure de sept ou huit générations à celle de Phidon de Corinthe, ne défendait plus à l'homme de vendre sa propriété, mais elle frappait le vendeur d'une peine sévère, la perte (*«« droits du citoyen*. Enfin Aris-

��1. Platon, Lois, VIIl, p. 842.

2. Aristote, Politviue, II, 6, 10 (éd. Didot, p. S12) Hêraclide de Pont, Fragm. hist. grsec, ed Didot, t. ii, p. 211. Plutarque, Inslituta laconica, 22.

3. Aristote, Politique, II, 4, 4.

4. Aristote, Politique, II, 3, 7. Cette loi du YÎeux législateur ne visait pas k i'tgalité des fortunes; car Aristote ajoute : « bien que les propriétés fussent iné- gales ». Elle visait uniquement au maintien de la propriété dans la famille. — A Tbibei aussi, le nombre des propriétés était immuable. Aristote, Pol., II, 9 ,7.

5. L'homme qv avait aliéné son patrimoine, i tk icaT;ç« ii«TtSi)$o»ù(, était frappé

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