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notre patrie bien-aimée. Et maintenant n’oublions pas que c’est sur notre travail à tous, sur notre intelligence et notre honnêteté que repose l’avenir de cette patrie. Travaillons pour elle sans relâche, fièrement et courageusement : tant vaut l’homme, tant vaut la terre.

— Père Guillaume, voulez-vous que je vous lise ce que dit mon livre sur les grands hommes de la Normandie ?

— De tout mon cœur, enfant. Si je ne le sais pas, cela me l’apprendra : il est bon de s’instruire à tout âge ; et si je le sais déjà, je serai content de l’entendre encore, car il est agréable d’écouter l’histoire de ceux qui se sont rendus utiles à leur patrie et à leurs concitoyens.



XCVII. — Trois grands hommes de la Normandie. — Le poète Pierre Corneille. — L’abbé de Saint-Pierre. — Le physicien Fresnel.



I.   L’un des plus grands poètes de la France, CORNEILLE, est né à Rouen au commencement du dix-septième siècle. Ses pièces en vers, qui furent représentées à Paris, excitèrent un véritable enthousiasme. Un jour, le grand Condé fut si ému à la représentation d’une de ses pièces, qu’il ne put s’empêcher de pleurer. Les œuvres de Corneille sont, en effet, remplies de sentiments élevés et de nobles maximes : il nous émeut par l’admiration des personnages qu’il représente. Aussi son nom fut parmi les plus illustres du dix-septième siècle.

Corneille resta cependant toujours simple et sans vanité. Il composait ses poésies à Rouen, dans sa ville natale, où il habitait une petite maison avec son frère ; car les deux frères Corneille s’aimaient le plus tendrement du monde. Ils étaient tous deux poètes. L’un habitait un étage, l’autre l’étage supérieur ; leurs cabinets de travail correspondaient par une petite trappe ouverte dans le plafond, et lorsque Pierre Corneille était embarrassé pour trouver une rime, il ouvrait la trappe et demandait l’aide de son frère Thomas. Celui-ci lui criait d’en haut les mots qui riment ensemble, comme victoire, gloire, mémoire, et Pierre choisissait.

Lorsque Pierre Corneille avait fini ses pièces, il venait à Paris les apporter, et comme il était pauvre, il allait à pied. On le voyait arriver avec ses gros souliers ferrés, son bâton à la main et un nouveau chef-d’œuvre sous le bras.

Vers la fin de sa vie, il vint s’établir à Paris. Sa pauvreté s’était encore accrue. On raconte qu’un jour il se promenait avec un écrivain de l’époque : ils causaient poésie. Tout d’un coup le grand Corneille, simplement, quitta le bras de son interlocuteur, et, entrant dans une boutique de savetier, il fit, pour quelques sous, remettre une pièce à ses souliers endommagés : telle était la simplicité et la grandeur avec laquelle il portait sa pauvreté sans en rougir.

La ville de Rouen a élevé à Corneille une magnifique statue, sculptée par David d’Angers.