Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’agit à présent de travailler ferme. Nous aurons une journée de fatigue aujourd’hui, et pas une minute à perdre.

Nos trois amis furent en effet si occupés toute la journée qu’ils n’eurent pas le temps de manger autre chose qu’un petit pain de deux sous en courant ; mais personne ne songea à s’en plaindre. La vente était bonne, le patron radieux, et les enfants enchantés comme s’il se fût agi de leurs propres intérêts.

Tout en se hâtant de faire les commissions, Julien regardait le pays tant qu’il pouvait. De la ville de Gex, on aperçoit encore le lac de Genève et les belles Alpes de Savoie. Julien tournait souvent les yeux de ce côté : ne pouvant aller en Savoie, il voulait du moins emporter dans son souvenir l’aspect de ce beau pays. — Comme cela, disait-il, je vais finir par savoir ma géographie de la France sur le bout du doigt. Quand je retournerai à l’école, je serai sûrement le premier, et je serai bien content.

Deux jours après, on traversa, sans s’y arrêter, la ville de Bourg, située dans la plaine fertile de la Bresse.

— Mes enfants, dit alors M. Gertal, je suis content de vous, vous travaillez avec courage. Cela m’engage à vous venir en aide. Vous avez emporté d’Épinal quelques petites économies, je veux vous montrer à les faire fructifier. Tout en travaillant pour moi, vous travaillerez pour vous : ce sera une sorte d’association que nous ferons ensemble. Écoutez-moi. La Bresse est connue partout pour ses excellentes volailles. Je vais acheter avec votre argent, dans une ferme des environs, une vingtaine de belles poulardes, que vous vendrez au marché de Mâcon, où nous allons nous rendre. Si peu que vous gagniez sur chaque poularde, cela vous fera sur le tout une somme assez ronde. Ne serez-vous pas contents ?

— Oh ! fit Julien, je crois bien, monsieur Gertal. Vous êtes bien bon pour nous, et je vais joliment m’appliquer à vendre, allez !

— Oui, dit André, nous vous en serons bien reconnaissants, monsieur Gertal, car souvent je songe avec inquiétude au terme de notre voyage. J’ai peur de ne point retrouver notre oncle à Marseille, ou bien je crains qu’il ne soit obligé de retourner en Alsace pour obtenir que nous soyons