Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/413

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Les chevelures flottantes suspendues aux fers des lances, les manteaux de peau de buffle agités en l’air au milieu de ce nuage que perçaient de temps à autre les rayons du soleil, le hennissement des chevaux que le vent apportait, tout indiquait la venue de l’Oiseau-Noir et de sa troupe.

Au milieu du dais de poussière qui les couvrait, des cavaliers bondissaient en faisant de sauvages évolutions et en poussant des cris aigus ; les couleurs éclatantes dont étaient peints les visages de ces chevaliers errants et pillards du désert, les ornements fantastiques dont ils étaient chargés, leurs haches qui luisaient aux rayons du soleil, leurs boucliers frappés en cadence, donnaient à cette troupe désordonnée un aspect hideux et terrible à la fois.

Les cris : L’Oiseau-Noir, Main-Rouge, Sang-Mêlé ! » s’élevèrent bientôt des deux côtés, et en un clin d’œil les alliés du métis, comme s’ils eussent voulu exécuter une charge furieuse, s’élancèrent au galop en poussant des hurlements sataniques ; puis l’escadron s’ouvrit, traça à toute course un cercle rapide autour de Sang-Mêlé et de ses Indiens, et en un instant chaque cheval se trouva subitement arrêté, immobile sur ses jarrets frémissants.

Un silence profond avait succédé au tumulte. Encore revêtu de son costume d’emprunt, le métis attendait, debout et sans faire un pas, la venue du chef. Celui-ci, quoique le visage contracté par la souffrance de sa blessure récente, était droit et ferme sur son cheval. Il s’avança vers le métis, qu’il n’hésita pas à reconnaître malgré son déguisement, et d’un air de tranquille et hautaine majesté, il tendit la main au fils de Main-Rouge.

« L’Indien fils d’un blanc attendait son allié, dit ce dernier.

— N’est-ce pas aujourd’hui le troisième soleil ? reprit l’Oiseau-Noir. El-Mestizo a mis son temps à profit, ajouta-t-il en montrant du doigt les captifs.