Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/100

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nation du lépero, dut lui promettre six réaux au-delà du prix convenu. À cette condition, le drôle consentit à marcher vers le calvaire au milieu des Indiens, qui entraînèrent, en l’injuriant et en frappant de plus belle, le captif subitement radouci.

Revenu de son émotion, l’alcade se retourna vers nous : il avait hâte de prononcer sa sentence que nous attendions, pour notre part, avec une anxiété mal dissimulée. En le voyant se concerter avec le greffier, je jetai un regard triste sur le moine. Celui-ci me répondit au contraire par un sourire qui respirait une pleine confiance. J’eus bientôt l’explication de ce changement subit dans l’attitude de fray Serapio. Il avait pris son parti, et, pour échapper à l’incarcération qui nous menaçait tous, il avait résolu de faire appel aux sentiments religieux dont l’alcade et son escorte venaient de donner des preuves éclatantes. Fort heureusement fray Serapio avait raisonné juste. Au moment où l’alcade se levait pour prononcer la sentence, le moine s’approcha gravement du tribunal, arracha le mouchoir qui lui servait de résille et présenta au magistrat indien sa tête tonsurée. Ce fut un vrai coup de théâtre. Le même homme qui, il y avait un instant à peine, affectait vis-à-vis de nous un orgueil intraitable, se précipita confus et tremblant aux pieds du franciscain.