Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tu ne me feras pas croire, Gabrielle, dit le baron, qu’une fille de dix-huit ans ne pense pas à l’amour. On dit que les filles sont plus précoces que les garçons, et moi, à cet âge…

— Cependant, papa, interrompit Henriette, enchantée de l’occasion de faire valoir indirectement cette espèce de droit d’aînesse que son père venait d’invoquer, il vaudrait mieux pour elle ne pas y penser, car si elle doit attendre, comme moi, jusqu’à vingt-cinq ans…

— Consolez-vous, ma fille, reprit galamment M. de Charassin, on vous en donnerait à peine dix-huit, et M. de Vaudrey sera, je n’en doute pas, de mon avis.

Le baron s’engagea alors dans des détails généalogiques sur la famille de Vaudrey, l’une des plus anciennes de la Franche-Comté, dit-il, et pure de toute mésalliance. Mais ces détails, nous les omettons avec soin, n’étant point versé en matière de blason, de métissage ou de reproduction in and in des familles nobles, et ne comprenant nullement en quoi la science héraldique peut contribuer au bonheur du genre humain.

Quand M. de Charassin eut quitté ses filles : — Je parierais, s’écria malicieusement Gabrielle, piquée d’avoir été, pour ainsi dire, mise hors de lice, je parierais que ce M. de Vaudrey est affreusement laid. Voyons, Renée, comment te le figures-tu ?

— Je l’imagine grand, mince, distingué, brun, avec de beaux yeux noirs, répondit Renée.

— Pas du tout, interrompit vivement Henriette, il doit être blond, fort et vigoureux comme l’un de ses ancêtres, le vail-