Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/24

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des jeunes filles. Toutes trois l’éprouvaient différemment, selon leurs natures diverses. Chez Henriette, l’amour était un calcul, une passion implacable dans son égoïsme, et il se compliquait d’une envie démesurée de mettre un terme au célibat forcé dans lequel elle languissait ; elle éprouvait en outre une vive appréhension relative au jeune villageois qu’elle avait aimé et qui, depuis l’arrivée de M. de Vaudrey à Domblans, lui avait écrit plusieurs lettres pleines de jalousie, et de menaces.

Quant à Renée ; son amour est comme elle, pur et élevé ; c’est un sentiment calme, généreux, dévoué, plutôt qu’une passion exclusive.

Mais Gabrielle, douée d’une organisation nerveuse, d’une imagination vive, d’une tendresse allant jusqu’à l’exaltation, désire l’amour comme le prisonnier désire le grand air et la liberté. Ainsi que l’œillet dont les pétales surabondants font crever l’enveloppe trop étroite du calice et ployer sa longue tige, ainsi Gabrielle sent déborder le trop plein de son cœur. Sa démarche s’allanguit, sa taille souple s’incline, son regard devient fiévreux, ses narines roses, s’agitent parfois comme si elles aspiraient quelque volupté secrète ; elle est prise, sans motif, de fous rires et de larmes. Et puis Paul de Vaudrey lui serre la main, lui lance des regards qui la font tressaillir ; elle l’aime donc, elle l’aime avec toute la spontanéité d’un premier amour, avec toutes les délicatesses d’un cœur et d’une sensibilité virginale.

MARIE GAGNEUR.

(La Suite à demain.)