Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/23

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encourir le reproche d’indiscrétion ou de monotonie, de vous adresser la même question qu’à vos sœurs ?

— Moi, monsieur, répondit avec calme la pure jeune fille, je regarde l’amour comme le plus beau et le plus pur des sentiments, et, au risque d’être appelée romanesque ou raillée par Henriette qui m’accuse de poser en héroïne du moyen âge, je rêve, pour mon compte, une de ces grandioses passions, telles que l’histoire des Croisades nous les raconte, un de ces amours à l’épreuve de l’absence, et qui engendrent l’héroïsme et les belles actions.

— Renée, s’écria Paul avec un enthousiasme parfaitement joué, si nous étions au temps des croisades, je porterais vos couleurs.

— Laquelle préfère-t-il donc ? Telle fut la question que s’adressèrent intérieurement, sans pouvoir y répondre, Henriette, Renée et Gabrielle.

Ainsi s’établissait entre les trois sœurs une rivalité dont les résultats devaient être funestes.

Comme il est généralement vrai et même accepté que les parents sont fort peu éclairés sur le caractère de leurs propres enfants, M. de Charassin, loin de s’effrayer de cette rivalité et de chercher à la prévenir, s’appliquait au contraire la développer. Il vantait à tout propos son pupille, dont la conversation prolixe et pleine de verve lui faisait vivement souhaiter un gendre aussi beau discoureur, tout bouffi d’ailleurs de sa noblesse et très versé en science héraldique.

Ainsi, avec l’encouragement paternel, l’amour marchait grand train, dans le cœur