Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/47

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nouie ; mais un pressentiment de malheur continua à peser sur son âme, et des larmes s’échappant de ses yeux tombèrent sur les joues de sa sœur. Par une inexplicable sympathie, le visage de Gabrielle se contracta soudain et des pleurs coulèrent aussi de ses paupières fermées.

En cet instant, Renée se sentit pour Gabrielle des entrailles de mère. Également trompée dans son premier amour et se réunissant à elle dans une commune infortune, elle résolut de ne plus vivre et de ne plus sentir désormais que pour sa sœur.

Lorsque Gabrielle s’éveilla, elle avait recouvré toute sa raison. Renée la questionna adroitement, et la pauvre enfant, ivre de douleur, lui confia, son secret tout entier, lui conta la scène du banc de gazon, ses espérances et sa cruelle déception ; elle parla avec tant de véhémence, que Renée en fut effrayée, et craignit qu’elle ne pût jamais guérir de cet amour. Pour l’aider à passer ce pénible moment, elle chercha à ranimer quelque espoir dans ce cœur déchiré. En effet, elle venait d’entrevoir un moyen de faire manquer le mariage d’Henriette.

Le lendemain était le jour assigné à Henriette par Joseph Duthiou pour un rendez-vous. Gabrielle, plongée dans une sorte d’atonie, avait gardé sa chambre toute la journée.

Vers le soir, le plan de Renée fut arrêté. Toutefois, incertaine encore du succès de sa tentative, et redoutant l’effet que pourrait produire sur sa chère malade une nouvelle déception, elle ne lui parla point de son projet, et se borna à lui donner de vagues consolations. Après souper, sous prétexte de rejoindre Gabrielle, elle remonta chez elle, au lieu de rester au salon.