Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/64

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mîtes de demander ma main. J’entrevoyais alors une existence nouvelle : j’aimais et je me crus aimée. Puis, avec une exaltation croissante elle ajouta : Ah ! pourtant si vous m’aviez aimée, pour vous, j’aurais eu la force de résister à mon père, pour vous, j’aurais bravé ses malédictions. Vous pouviez en épouser une autre ; mais moi, je vous eusse été à jamais fidèle. Je le sens, cette affection était assez profonde pour remplir toute ma vie.

M. de Vaudrey, effrayé de cette véhémence qui ressemblait à du délire, commença à ressentir quelques remords de sa conduite. Que dire maintenant à cette infortunée pour lui rendre le calme et la raison ? Il essaya vainement de quelques lieux communs qu’il jugea propres à la consoler.

— Une dernière question, dit-elle avec un accent plein d’angoisse, l’aimez-vous ?

— Qui, demanda M. de Vaudrey.

— Henriette.

— Ne dois-je pas l’aimer ? répondit-il, et puis-je avoir pour vous désormais d’autre affection que celle d’un frère ?

Un instant Gabrielle demeura stupide de douleur.

— Ah ! vous avez raison, s’écria-t-elle, c’en est fait de moi ! adieu !…

Elle se leva pour partir, mais les forces lui manquèrent, elle retomba pâle et désolée sur le banc.

Le lendemain, Gabrielle prétexta une violente migraine et ne descendit pas. Elle était réellement bien malade. Ni les douces caresses, ni les tendres consolations de Renée ne réussirent à la calmer.

Paul ne l’aimait pas. Dès lors que lui importait la vie ! Parfois il lui semblait qu’elle devenait folle. Si elle se mettait à sa croisée et qu’elle regardât couler la rivière qui baignait les murs du château, cette eau