Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/65

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limpide et profonde, ce courant régulier et monotone lui donnaient le vertige, et la douleur la poussait à s’y précipiter.

Vers le soir, son père monta dans sa chambre, et comme il recommença ses supplications et ses emportements, la pauvre fille, épuisée par tant d’émotions promit tout ce qu’il voulut.

Mais aussitôt qu’elle eut donné son consentement, toutes ses répugnances se réveillèrent avec une intensité plus grande ; il lui semblait qu’on venait de la clouer vivante dans une tombe. Puis une sorte d’instinct de conservation réagit en elle, et elle résolut de retirer une promesse arrachée à sa faiblesse et de résister à la volonté de son père, qui, pensa-t-elle, n’avait pas le droit d’exiger le sacrifice du bonheur de toute sa vie.

Le lendemain matin, ayant aperçu M. de Morges dans le jardin, elle y descendit avec l’intention de lui parler. Dès qu’il la vit, il accourut à sa rencontre et la remercia avec effusion d’avoir comblé ses vœux. Gabrielle était, visiblement embarrassée ; mais M. de Morges prit cet embarras pour de la timidité.

— Je voudrais vous parler, monsieur, dit-elle.

— Je suis tout à vous entendre, chère enfant, répondit-il en lui offrant son bras.

— Ils marchèrent quelques instants en silence, Gabrielle n’osait commencer l’entretien.

— Remettez-vous, chère ange, reprit M. de Morges qui vit son émotion, et parlez-moi comme à votre meilleur ami. Qu’avez-vous à craindre ? ne savez-vous pas que je vous adore ?

— Entrons dans ce berceau, dit Gabrielle. Elle pensait qu’à l’ombre du feuillage elle aurait plus de hardiesse.