Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/76

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daigné, elle le renferma orgueilleusement au fond de son cœur, et lorsqu’elle avait exprimé à son mari, par des paroles pleines de sécheresse et de hauteur, une aversion qu’elle n’éprouvait point, elle courait s’enfermer dans sa chambre pour éclater en sanglots.

Quinze jours s’étaient écoulés. M. de Vaudrey, pour se conformer à la coutume du pays, donna, à l’occasion de son mariage, un bal dans la cour du château.

Ce fut grande fête ce jour-là pour les habitants de l’endroit. Autour d’une table chargée de brocs et d’appétissants gâteaux se poussait une foule avide. Des jeunes gens avinés chantaient à l’unisson le plus faux des chansons grivoises. Bientôt, aux sons criards et discordants de deux violons écorchant de vieux quadrilles, une cohue de filles et de garçons, aux allures lourdes et grossières, sauta confusément et sans mesure.

Vers le milieu du bal, M. et Mme de Vaudrey se mirent à la fenêtre pour saluer la foule. Henriette, depuis quelques instants, considérait cette fête avec un intérêt mêlé de dégoût, quand tout à coup elle découvrit un homme dont la vue la fit tressaillir : elle venait de reconnaître son ancien amant qui, l’ayant lui-même aperçue, lui adressait un salut d’une impertinente familiarité.

Elle se retira de la fenêtre et alla s’enfermer dans sa chambre, où elle s’abandonna à de tristes appréhensions.

Vers le soir, quand les derniers bruits du bal se furent insensiblement éteints, elle se hasarda à descendre au jardin. Elle y rencontra M. de Vaudrey.

— La fête est-elle enfin terminée ? demanda-t-elle à son mari. Ces divertissements me font mal.