Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

radieux, tout s’anime, tout a un sens, et l’on voudrait vivre toujours pour aimer.

» Mais quand on n’aime plus, ou qu’on n’est plus aimée, quel changement, quelle tristesse ! comme le ciel est sombre, comme le soleil est pâle, comme la vie paraît longue et pesante !…

» Mais je t’attriste, ma sœur chérie, que veux-tu ! les malheureux sont égoïstes, pourvu qu’on les console, ils ne s’inquiètent pas s’ils affligent.

» Viens me voir, j’aurais encore tant à te dire, et si je ne craignais le scandale et si j’avais encore assez de ressort dans l’âme pour prendre une résolution, je quitterais Morges, cette affreuse caserne, et j’irais moi-même te rejoindre et verser dans ton cœur toutes mes douleurs et tout mon désespoir.

» gabrielle. »



XI


Une grande faute, une grande sottise est d’entraver par des calculs de sordide intérêt les lois naturelles de la sympathie. Paul et Henriette ne tardèrent pas à reconnaître les graves inconvénients d’une union dictée par les convenances plutôt que par la réciprocité de l’amour.

Les jeunes époux, ainsi que les événements antérieurs l’on fait pressentir, entrèrent de plein saut dans la lune rousse. Dès que M. de Vaudrey fut mis en possession par son mariage des 200,000 francs qu’il convoitait, il ne dissimula plus le mépris que lui inspirait sa femme, et l’exprima souvent par une mordante raillerie. Henriette aimait son mari avec toute l’opiniâtreté d’une passion non partagée ; mais, d’une nature fière et impérieuse, quand elle vit son amour dé-