Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/80

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— Expliquez-vous, je ne comprends pas, dit-elle avec impatience.

— Voici donc ma situation, reprit le rusé paysan ; depuis que vous m’avez délaissé, j’ai cherché à oublier mon malheur, et j’ai fait la cour à Mélanie, la jolie fille du meunier. Elle me trouve à son gré ; mais elle est riche, et pour l’épouser il faut des espèces, environ cinq mille francs comprenez vous ?

— Non pas encore ; où voulez-vous en venir ?

— C’est clair, pourtant : J’ai pensé tout bonnement que, vu notre ancienne amitié, vous pourriez bien me faire ce petit cadeau-là, moyennant quoi je vous remettrais ces lettres qui sont écrites comme un livre, et auxquelles je tiens beaucoup en souvenir de vous, ma chère Henriette. Ça vous va-t-il ?

— Mais c’est infâme ce que vous demandez-là, s’écria Mme de Vaudrey ! Est-il possible que ce soit vous, Joseph, qui fassiez de tels calculs, vous que je regardais comme supérieur à votre classe par la délicatesse des sentiments ?

— Les sentiments, c’est bon pour le discours, au clair de la lune, sous la charmille ; mais avec cela on badigeonne toute sa vie. Eh ! ma foi ! les affaires avant tout. Si vous trouvez que c’est infâme, comment appelerez-vous tous les mensonges que vous m’avez débités. Ne m’avez-vous pas dit bien des fois, un mois encore avant votre mariage, que vous n’aimeriez, que vous n’épouseriez jamais que moi ? Autant de couleurs que vous faisiez avaler à votre pauvre Joseph.

— Soit : vous aurez cinq mille francs, mais alors vous me promettez une discré-