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Page:Gagnon - Chansons populaires du Canada, 1880.djvu/221

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du canada

algonquin de tomber sous leurs coups : Il ne rejoignit pas Cadieux au lieu du rendez-vous ; mais il vendit chèrement sa vie.

Pendant trois jours les Iroquois battirent la forêt pour retrouver les traces des familles, ne s’imaginant pas même qu’ils eussent pu entreprendre la descente des rapides ; pendant trois jours aussi, ils traquèrent le brave voyageur dans les bois. Trois jours et trois nuits qui furent sans sommeil et sans repos pour le malheureux Cadieux ! Au bout de ce temps les envahisseurs, désespérant de rejoindre les familles et de se rendre maître de leur imprenable adversaire, convaincus du reste qu’ils étaient frustrés du fruit de leur expédition, remirent leurs canots à l’eau pour redescendre la Grande-rivière.

Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis le départ des familles du Petit-rocher, on avait eu connaissance du retour des Iroquois, et Cadieux n’était pas encore arrivé : trois hommes partirent donc, pour aller à la rencontre de l’interprète et de son compagnon. Ces trois voyageurs remontèrent l’Outaouais jusqu’au Portage-du-fort sans trouver de traces de quoi que ce fut ; là ils commencèrent à observer les marques du passage des Iroquois et plus haut des signes qu’ils reconnurent comme indiquant que leur ami avait séjourné dans le voisinage.

Quand, arrivés au portage des Sept-chutes, ils trouvèrent un petit abri construit de branches qui paraissait avoir été abandonné : ils résolurent de pousser un peu plus loin leurs recherches, pensant que Cadieux et son camarade avaient peut-être été obligés de remonter la rivière, pour prendre refuge chez les sauvages de l’Île.

Deux jours plus tard, c’était le treizième depuis la séparation de Cadieux et des familles, ils revinrent sur leurs pas après avoir consulté des sauvages qu’ils rencontrèrent, certains que leurs deux amis étaient rendus au Lac-des-Deux-Montagnes ou morts.

En repassant de nouveau près du Petit-rocher, ils aperçurent de loin, sur le bord du sentier du portage, à côté de la petite loge qu’ils avaient cru abandonnée quelques jours auparavant, une croix de bois dont ils s’approchèrent avec un respect mêlé d’un étonnement étrange.

La croix était plantée à la tête d’une fosse, à peine creusée dans le sol, et dans cette fosse gisait le corps encore frais de Cadieux, à demi enseveli dans des branches vertes. Les mains du mort étaient