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Page:Gagnon - Chansons populaires du Canada, 1880.djvu/337

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DU CANADA

dans l’expédition d’Égypte. Sa destination était de recueillir des renseignements sur la musique des divers peuples de l’Orient qui habitent cette contrée. Dès son arrivée au Caire, il prit un maître de musique arabe, qui, suivant la coutume de ces musiciens, faisait consister ses leçons à chanter des airs que son élève devait retenir : car, dans ce pays, l’artiste le plus habile est celui qui sait de routine le plus grand nombre de ces airs. M. Villoteau, qui se proposait de rassembler beaucoup de mélodies originales du pays où il se trouvait, se mit à écrire sous la dictée de son maître ; et remarquant, pendant qu’il notait sa musique, que l’instituteur détonnait de temps en temps, il eut soin de corriger toutes les fautes qui lui semblaient être faites par celui-ci. Son travail terminé, il voulut chanter l’air qu’on venait de lui enseigner, mais l’Arabe l’arrêta dès les premières phrases en lui disant qu’il chantait faux. Là-dessus, grande discussion entre le disciple et le maître, chacun assurant que ses intonations sont inattaquables, et ne pouvant entendre l’autre sans se boucher les oreilles. À la fin, M. Villoteau imagina qu’il pouvait y avoir dans cette dispute quelque cause singulière qui méritait d’être examinée ; il se fit apporter un Eoud, espèce de luth dont le manche est divisé suivant les règles de l’échelle musicale des Arabes ; l’inspection de cet instrument lui fit découvrir, à sa grande surprise, que les éléments de la musique qu’il savait et de celle qu’il voulait apprendre étaient absolument différents. Les intervalles de sons ne se ressemblaient pas, et l’éducation du musicien français le rendait aussi inhabile à saisir ceux des chants de l’Arabie qu’à