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Page:Gagnon - Chansons populaires du Canada, 1880.djvu/351

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DU CANADA

verrons, par l’analyse des éléments intimes de ses parties du discours, qu’elle se prête merveilleusement à l’expression du sentiment contemplatif et à l’idée de l’infini. Nos lecteurs n’ont pas besoin que nous leur apprenions que l’élément le plus fondamental du langage, le verbe, n’a pas chez les Hébreux, de temps pour exprimer le présent ; que leurs deux temps uniques sont de véritables aoristes ou temps indéterminés, flottant sans cesse entre le passé, le présent et le futur : cela étant parfaitement en harmonie avec le caractère d’une poésie tout inspirée, où tout est prophétique, où tout se rattache à l’éternité ; que l’on voit souvent dans les passages poétiques, surtout chez les prophètes, alterner les deux temps de la conjugaison hébraïque, de manière que, dans le même verset, le premier hémistiche raconte au passé ce que le second exprime au futur ; ainsi, que ce qui est d’abord présenté comme fait accompli, se trouve ensuite prolongé en quelque sorte et embrasse la durée tout entière : langage surprenant, mais qui convient aux interprètes de Celui devant lequel le passé et l’avenir se confondent dans un présent éternel[1]. … Quant à toutes ces formes, (le proverbe, la vision, la parabole, l’allégorie et le parallé-

  1. Université catholique, 3e liv., p. 237 — Frederic Schlegel dit à ce sujet : « Tout leur sentiment et toute leur existence (des Hébreux) se rattachaient moins au présent qu’au passé, qu’à l’avenir surtout ; et le passé des Hébreux n’était point, comme celui des autres peuples, de simples traditions, des souvenirs poétiques, mais le grave sanctuaire de leur divine constitution et de l’alliance éternelle. L’idée de l’éternité n’était point séparée chez eux de la vie active et de ses rapports, comme dans la philosophie isolée des Grecs, méditant solitairement ; au contraire, elle était étroitement liée à la vie, au passé merveilleux du peuple élu, et aux pompes plus magnifiques encore de son mystérieux avenir. » (Hist. de la littérature, t. 1 p. 192, traduction de M. W. Duckett.)