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Page:Gagnon - Chansons populaires du Canada, 1880.djvu/362

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CHANSONS POPULAIRES
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pour ce qui me concerne, je le dis franchement : non.[1]

Qui sait si ces mélodies populaires qui n’appartiennent ni à notre mode majeur ni à notre mode mineur n’étaient pas autrefois susceptibles d’une harmonie vraiment rationnelle : la diaphonie, harmonie devenue impossible aujourd’hui, à cause de l’éducation de notre oreille ?…

On sait que, vers le commencement du dixième siècle, le moine Hucbald de Saint-Amand recommandait les suites de quartes et de quintes comme produisant une suave harmonie. Ces suites de quartes et de quintes, qui nous paraissent aujourd’hui si barbares, n’avaient, au temps de Hucbald, rien que de très-conforme à l’instinct musical de l’époque. Ce fait qui nous parait si étrange, est dû à l’éducation de l’oreille. Voici l’explication toute lumineuse qu’en donne M. de Coussemaker :

« Quand nous entendons une quinte, dit-il, cet intervalle harmonique représente à notre oreille un accord parfait, car bien que la tierce ne soit pas exprimée, on la sous-entend comme si elle existait. Il en résulte que, en entendant deux ou plusieurs quintes de suite, c’est comme si nous entendions deux ou plusieurs accords parfaits successifs ; ce qui blesse notre oreille, qui ne souffre pas le passage aussi brusque d’un ton à un autre. Il n’en était pas ainsi au moyen-âge, où l’harmonie moderne n’existait pas : une quinte ne représentait pas un accord parfait ; cet accord était alors inconnu. La partie constitutive de

  1. Voyez l’opinion de l’abbé Lebœuf sur la compétence des musiciens en fait de musique ancienne : Dictionnaire de M. J. d’Ortigue, col. 888.