Page:Galois - Manuscrits, édition Tannery, 1908.djvu/34

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que quand on lira attentivement mon ouvrage qui en est une application, non que le point de vue théorique ait précédé l’application ; mais je me suis demandé, mon livre terminé, ce qui le rendait si étrange à la plupart des lecteurs, et rentrant en moi-même, j’ai cru observer cette tendance de mon esprit à éviter les calculs dans les sujets que je traitais, et qui plus est, j’ai reconnu une difficulté insurmontable à qui voudrait les effectuer généralement dans les matières que j’ai traitées.

On doit prévoir que, traitant des sujets aussi nouveaux, hasardé dans une voie aussi insolite, bien souvent des difficultés se sont présentées que je n’ai pu vaincre. Aussi, dans ces deux mémoires et surtout dans le second qui est le plus récent, trouvera-t-on souvent la formule « je ne sais pas ». La classe des lecteurs dont j’ai parlé au commencement[1], ne manquera pas d’y trouvera rire. C’est que, malheureusement, on ne se doute pas que le livre le plus précieux du plus savant serait celui où il dirait tout ce qu’il ne sait pas, c’est qu’on ne se doute pas qu’un auteur ne nuit[2] jamais tant à ses lecteurs que quand il dissimule une difficulté. Quand la concurrence c’est-à-dire l’égoïsme ne règnera plus dans les sciences, quand on s’associera pour étudier, au lieu d’envoyer aux académies des paquets cachetés, on s’empressera de publier les moindres observations, pour peu qu’elles soient nouvelles, et en ajoutant « je ne sais pas le reste ».

De Ste Pélagie Xbre 1831 Galois
Évariste Galois.


  1. Voici la phrase à laquelle Galois fait allusion :

    « Tout ce qui précède, je l’ai dit pour prouver que c’est sciemment que je m’expose à la risée des sots. »

  2. Texte de Chevalier ; on ne distingue que la lettre n ; le reste du mot est un trou.