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Sciences mathématiques
Discussions sur les progrès de l’analyse pure

De toutes les connaissances humaines, on sait que l’Analyse pure est la plus immatérielle, la plus éminemment logique, la seule qui n’emprunte rien aux manifestations des sens. Beaucoup en concluent qu’elle est, dans son ensemble, la plus méthodique et la mieux coordonnée. Mais c’est erreur. Prenez un livre d’Algèbre, soit didactique, soit d’invention, et vous n’y verrez qu’un amas confus de propositions dont la régularité contraste bizarrement avec le désordre du tout. Il semble que les idées coûtent déjà trop à l’auteur pour qu’il se donne la peine de les lier et que son esprit épuisé par les conceptions qui sont la base de son ouvrage, ne puisse enfanter une même pensée qui préside à leur ensemble.

Que si vous rencontrez une méthode, une liaison, une coordination, tout cela est faux et artificiel. Ce sont des divisions sans fondement, des rapprochements arbitraires, un arrangement tout de convention. Ce défaut pire que l’absence de toute méthode arrive surtout dans les ouvrages didactiques, la plupart composés par des hommes qui n’ont pas l’intelligence de la science qu’ils professent.

Tout cela étonnera fort les gens du monde, qui en général ont pris le mot Mathématique pour synonyme de régulier.

Toutefois, on sera étonné si l’on réfléchit qu’ici comme ailleurs la science est l’œuvre de l’esprit humain [1], qui est plutôt destiné à étudier qu’à connaître, à chercher qu’à trouver la vérité. En effet on conçoit qu’un esprit qui aurait puissance pour percevoir d’un seul coup l’ensemble des vérités mathématiques non pas à nous connues, mais toutes les vérités possibles, pourrait les[2] déduire régulièrement et comme machinalement de quelques

  1. Mot peu lisible, omis par Chevalier.
  2. Un mot illisible, je suis le texte de Chevalier.