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récit de chasse-marée.

faire face au dogue, et de nous sauver de ses morsures. Seulement, l’animal, rendu plus furieux par cette résistance, redoubla ses aboiements qui ne tardèrent pas à réveiller l’équipage. Quelques matelots parurent sur le pont et, en nous voyant, ils se reculèrent effrayés, nous prenant pour des fantômes. Ils parlaient en langue étrangère, ce qui fit crier à Robert :

— Ce ne sont pas des Anglais, nous sommes sauvés !

Cinq minutes après, nous étions conduits devant le capitaine. En nous voyant, et apprenant que nous étions des évadés des pontons, ce misérable s’écria :

— Vous osez vous réfugier à bord d’un navire danois !

— Mais, capitaine, lui répondit Robert, la France et le Danemarck ne sont pas en guerre. En tout cas, l’infortune, n’a pas de pays pour tous les gens de cœur, vous ne pouvez nous refuser l’hospitalité jusqu’à demain ?

— Il n’y a que les Français capables d’une telle impudence !

— Capitaine, quelques hardes de rebut ne se refusent pas à des pauvres naufragés.

— Des hardes ? c’est-à-dire un travestissement. Ne vous faut-il pas une barque, aussi ? Dois-je vous faire accompagner à terre ? Non, non, tout ce que je peux faire, c’est de vous faire ramener au ponton que vous avez lâchement déserté.

Il n’avait pas achevé que Robert l’étendait d’un coup de poing par terre.

— Ignoble créature, c’est toi qui es un lâche, dit-il en mettant un genou sur la poitrine du capitaine.

Puis il le lia, le bâillonna et s’adressant à moi :

— En route !

— Où ça.

— En mer ! La terre n’est pas loin : Si nous n’allons pas la chercher, elle ne viendra pas à nous.