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le père la gloire.

C’est un peu dur, avouez-le, d’être resté dix jours sans manger et d’être mangé le onzième ; d’avoir quinze ans et de ne pas tirer à la conscription ! Or je me voyais parfaitement exposé à ne jamais revoir le Havre et à subir le supplice d’un poisson en matelotte. Servir à la cuisine d’inconnus qui ne parlent même pas notre langue : c’est dur, et malheureusement je me voyais dans cette position peu agréable. Encore si j’avais eu mes jambes, mais je ne pouvais remuer ni pieds ni pattes, et j’avais une faim !… Faim ? quelle dérision ! allez donc demander à manger à des cannibales ?

J’étais prisonnier.

Aussi, je ne fus pas médiocrement surpris quand, m’étant mis sur mon séant, résolu à manger au moins une bouchée avant d’être mangé, je vis mes sauvages se prosterner face contre terre, puis se relever avec des gestes qui n’annonçaient pas de mauvais desseins. Ils riaient même les lâches ! Et leur rire me