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six semaines dans un phare.

bien triste. À la hauteur du cap Matapan, nous eûmes la douleur d’apprendre la mort presque subite de notre amiral. Il était très-aimé de ses marins, et fut regretté de tous.

Je ne terminerai pas ce récit bien incomplet sans vous parler du naufrage de la Sémillante, qui périt sur les roches des bouches de Bonifacio. La France entière poussa un cri de douleur en apprenant ce désastre qui nous enlevait trois cents marins et quatre cents hommes de troupe. Nul ne sait ce qui s’est passé là, mais la tempête a été si effroyable que les toitures des maisons ont été enlevées, et des arbres arrachés. On n’a pu rien retrouver du bâtiment que quelques débris informes. Une centaine de cadavres ont reçu la sépulture. Tous ces cadavres étaient nus. Le capitaine seul fut facile à reconnaître. Il était en grand uniforme. La tombe de ces malheureuses victimes a été faite par les marins de l’Arverne. Ce sont deux grandes croix construites avec des débris de frégate.

Je vous recommande cette tombe, monsieur Paul, si jamais vous passez par là.

Ce récit n’avait pas été interrompu une seule fois, et, chose étrange ! quand il fut fini, personne ne trouva mot à placer.

Paul serra la main de Cartahut, embrassa son oncle et se retourna pour s’endormir ; mais il ne dormit pas de la nuit, et le lendemain, il aurait bien voulu qu’un des marins lui fit un récit aussi émouvant pour lui que celui de Cartahut. Quand son oncle vint l’embrasser, il lui dit :

— La marine militaire, mon oncle, il n’y a que ça !…