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antenolle.

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— Ne riez pas, monsieur Paul. La mort du chat est d’un très-mauvais augure. Il est vrai qu’il ne pouvait rien nous arriver de pire que ce qui venait de nous arriver, mais pour moi et Tombaleau cela nous annonçait une catastrophe encore plus terrible. Et puis je l’aimais ce pauvre chat, il couchait sur mon cadre et, quand je souffrais trop, me léchait la figure.

— Ah ! fit Tombaleau tristement quand il apprit la nouvelle, nous sommes bien perdus cette fois. Mort le chat, mort le navire, mort l’équipage.

Pour tous les vieux marins, cette superstition est passée en article de foi.

— C’est vrai, murmura le père La Gloire.

Mais la perte du chat ne nous fit pas oublier notre position, car elle se compliquait. Vraiment, quand j’y songe aujourd’hui, je ne m’y attendais pas, Tombaleau non plus !

Le capitaine, le lieutenant et trois matelots nous abandonnaient !…

Nous étions sur le navire chaviré, Tombaleau, Noël, le tonnelier et moi.

— Mes amis, nous cria le capitaine, nous allons chercher du secours. Vous le voyez, nous ne pouvons prendre aucun de vous dans le canot, il chavirerait. La côte n’est pas très-loin. En deux jours nous y arrivons et nous revenons vous délivrer.

Tombaleau monte sur la partie la plus élevée de la coque du navire, le poing gauche appuyé sur la hanche, la tête orgueilleusement rejetée en arrière, le regarde avec mépris et, loin d’implorer sa pitié comme nous le faisions :

— Bien du plaisir, lui répondit-il et sans rancune, nous nous en tirerons comme nous pourrons. Mais entre nous, vous avez fait une brioche énorme de partir un vendredi : Si encore notre pauvre chat n’était pas mort ?

Laissons le canot disparaître et revenons à la Blanchette.