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six semaines dans un phare.

Et nous voilà à prendre chasse. Dieu ! que j’étais malade ! Il paraît que le navire qui nous poursuivait était de beaucoup plus fort que nous, car j’entendis faire le branle-bas de combat, et je sentis que le navire se mettait en panne.

Mais ce n’était qu’un calme plat, et le capitaine se frottait les mains en disant :

— Voilà un contre-temps pour l’Anglais. Ne pouvoir nous attaquer. Il doit être furieux.

Je montai sur le pont, et de là sur la galerie, mais je fus très-étonné quand je m’aperçus que ce petit navire était admirablement disposé pour la lutte. Ses sabords étaient ouverts, et je voyais la gueule de vrais et bons canons en sortir.

— Ah ! voilà qui est trop fort, s’écria le capitaine en voyant trois embarcations se diriger vers nous, ces Anglais sont assez fous pour m’attaquer avec leurs canots ? Pour qui me prennent-ils donc ? pour un négrier, sans doute. Je vais leur apprendre que je suis corsaire aussi et leur donner une leçon.

En effet, on laissa approcher les embarcations à portée de fusil, et quand, pleins d’arrogance, les Anglais nous hélèrent, une trombe de fer partie de la batterie les fit disparaître à nos yeux. Quand la fumée se fut dissipée, nous n’en vîmes plus qu’une qui s’éloignait en toute hâte. Les deux autres avaient sombré, et à la place qu’elles occupaient, des malheureux, pour la plupart blessés, nageaient en appelant au secours.

Le capitaine fit mettre une embarcation à l’eau, et tous les naufragés anglais furent recueillis et amenés à bord où ils furent bien soignés et bien traités.

Mais ce n’est pas par intérêt que le capitaine les avait sauvés. Il avait son plan.

— Ces gaillards-là, dit-il, me serviront à échapper à la corvette.

Comme on ne savait pas ce qu’il pensait en dessous, nous