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récit de chasse-marée.

notre livrée contre un habit qui ne pourrait pas nous faire distinguer des Anglais. Sur les bords de l’Angleterre, les paysans faisaient la chasse aux Français évadés, absolument comme à Brest on fait la chasse aux forçats.

Comment nous en procurer ? Robert avait l’esprit inventif, il eût été digne d’être des rafalés. Il alla trouver un jeune officier qui continuait ses études sur le ponton, et avait du papier, ce qui était pourtant défendu. Il le pria de lui faire une affiche ainsi conçue ou à peu près :

DÉFI AUX ANGLAIS !
VIVE LA BRETAGNE DE FRANCE !

Le nommé Robert de Saint-Malo, vexé d’entendre les Anglais se vanter
d’être les premiers boxeurs de l’Angleterre
s’engage à combattre deux d’entre eux, à la fois et en même temps
à toutes sortes de coups de poing et sans faire usage de ses jambes.
Il s’engage avant le combat à recevoir dix coups sans se défendre.
Il rossera ensuite les deux Anglais.
Ledit Robert
demande seulement dès qu’il aura reçu les dix coups de poing
qu’on lui remette deux livres sterling.
Fait à bord où il s’ennuie à mort.
Signé : ROBERT.

Comme bien vous le pensez cette affiche fit fureur. Les prisonniers virent bien que c’était une plaisanterie, mais les Anglais l’acceptèrent comme de l’argent comptant. Restait à savoir comment Robert s’en tirerait.

Celui-ci était un de ces Bretons, petits, mais large d’épaule, à la tête dure comme une pierre, aux mains de fer. Comme force, malgré les privations de toute sorte, il ne craignait personne, seulement il ne savait pas boxer. La question du reste n’était pas de donner des coups de poing ; mais d’en recevoir. Dix coups pour deux livres sterling. Quelques dents de cassées, une côte dé-