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six semaines dans un phare.

Tous les huit jours une embarcation apportait au ponton des barriques d’eau douce que nous hissions sur le pont, et nous descendions les barriques vides. Le colonel se glissa dans une de ces barriques que l’embarcation emporta, et nous sûmes plus tard qu’il avait réussi à gagner la terre.

Naturellement, cette évasion me mit la puce à l’oreille. Robert et moi, nous résolûmes d’en faire autant, mais, huit jours après, nous nous aperçûmes que la mèche était éventée. Les Anglais, avant de faire embarquer les barriques vides, les examinaient une à une avec attention.

— Nous n’avons qu’à chercher autre chose, me dit Robert.

Et à force de chercher nous trouvâmes. Les rafalés nous fournirent les outils. Où les avaient-ils trouvés ? C’est un problème difficile à résoudre. Rien ne nous manquait, maillets, ciseau, vrilles, scies et gouges. Restait à trouver l’endroit pour faire notre trou. Ce fut dans un endroit obscur, sous le faux pont à fleur d’eau, que nous commençâmes notre travail. D’abord nous commençâmes par lever une grande pièce de bois taillée dans le carré et coupée dans le vrégage, de façon qu’il nous fût possible de la remettre en place pendant le jour et de cacher la trace de notre travail.

Depuis le lever du soleil jusqu’au soir nous travaillions sans relâche. Afin de prévenir toute surprise de la part de nos geôliers, quand les Anglais descendaient dans la batterie, le premier qui les apercevait criait : Navire ! et ce mot répété de bouche en bouche arrivait promptement jusqu’à nous. Alors ceux qui, comme Robert et moi, perçaient les murs du ponton, remettaient tout en place pour recommencer après le passage de la ronde.

Il y avait huit jours que nous avions mis la première main à notre œuvre, quand l’argent vint à nous manquer. Certes, si jamais nous avions eu besoin d’argent, c’était bien dans ce moment, car il nous en fallait, pour une fois à terre, échanger