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J'étais grand, j'étais fort, quand je voyais l'aurore
Accourir dans mes bras, chaque jour… Elle fuit.
C'est toi, ce sont tes yeux !… Vivrais-je une heure encore,
Avant de m'enfoncer dans l'hivernale nuit ?

Je suis comme ce port que sa gloire abandonne.
Mais toi, ne veux-tu pas, plus tendre que la mer,
A mon front de tes bras me faire une couronne,
Pour me voiler l'horreur de ce premier hiver ?

Au fond de tes cheveux, dans ton âme conquise,
Comme l'eau sous ces mâts je me réveillerai,
Et je ne saurais plus, quand soufflera la brise,
Qui me consolera, quand je t'enlacerai…

Nous pourrions, enlacés, en une heure pareille,
Moi, le port douloureux, toi l'aube de cristal,
Voir naître, au bord du ciel, la timide merveille
De quelque immense amour tragique et virginal…