Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/231

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« Est-ce que vous me boudez, Paul ? — Vous n’êtes pas venu hier soir, et votre sorbet au citron s’est fondu mélancoliquement sur la table. Jusqu’à neuf heures j’ai eu l’oreille aux aguets, cherchant à distinguer le bruit des roues de votre voiture à travers le chant obstiné des grillons et les ronflements des tambours de basque ; alors il a fallu perdre tout espoir, et j’ai querellé le commodore. Admirez comme les femmes sont justes ! — Pulcinella avec son nez noir, don Limon et donna Pangrazia ont donc bien du charme pour vous ? car je sais par ma police que vous avez passé votre soirée à San Carlino. De ces prétendues lettres importantes, vous n’en avez pas écrit une seule. Pourquoi ne pas avouer tout bonnement et tout bêtement que vous êtes jaloux du comte Altavilla ? Je vous croyais plus orgueilleux, et cette modestie de votre part me touche. — N’ayez aucune crainte, M. d’Altavilla est trop beau, et je n’ai pas le goût des Apollons à breloques. Je devrais afficher à votre endroit un mépris superbe et vous dire que je ne me suis pas aperçue de votre absence ; mais la vérité est que j’ai trouvé le temps fort long, que j’étais de très mauvaise humeur, très nerveuse, et que j’ai manqué de battre Vicè, qui riait comme une folle — je ne sais pourquoi, par exemple.

« A. W. »