Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/399

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aversion si soutenue ; ils s’imaginèrent que cette résistance venait peut-être d’une inclination préconçue ; mais Tchin-Sing ne faisait la cour à aucune jeune fille, et nul jeune homme ne se promenait le long des treillis de Ju-Kiouan. Quelques jours d’observation suffirent pour en convaincre les deux familles. — Mme Tou et Mme Kouan crurent plus que jamais aux grandes destinées présagées par le rêve.

Les deux femmes allèrent, chacune de son côté, consulter le bonze du temple de Fô, un bel édifice aux toits découpés, aux fenêtres rondes, tout reluisant d’or et de vernis, plaqué de tablettes votives, orné de mâts d’où flottent des bannières de soie historiées de chimères et de dragons, ombragé d’arbres millénaires et d’une grosseur monstrueuse. Après avoir brûlé du papier doré et des parfums devant l’idole, le bonze répondit à Mme Tou qu’il fallait le jaspe à la perle, et à Mme Kouan qu’il fallait la perle au jaspe : que leur union seule pourrait terminer toutes les difficultés. Peu satisfaites de cette réponse ambiguë, les deux femmes revinrent chez elles, sans s’être vues au temple, par un chemin différent ; leur perplexité était encore plus grande qu’auparavant.

Or, il arriva qu’un jour Ju-Kiouan était accoudée à la balustrade du pavillon champêtre, précisément à l’heure où Tchin-Sing en faisait autant de son côté.