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QUELQUES CONSEILS PRATIQUES


POUR L’ENSEIGNEMENT DU ROLAND



I


Le Conseil supérieur de l’Instruction publique a eu l’heureuse hardiesse de placer enfin la Chanson de Roland au nombre des classiques de l’enseignement secondaire. Nous nous glorifierons toujours de n’avoir pas été étranger à cette réhabilitation de notre épopée nationale, et nous nous estimons suffisamment récompensé par là de plus de vingt années de travail. Mais, si joyeux que nous soyons de cette excellente innovation, il nous convient cependant de dire les choses toiles qu’elles sont, et force nous est d’avouer qu’à l’heure actuelle les professeurs ne sont pas préparés à l’enseignement philologique de la Chanson de Roland, ni, d’une façon plus générale, à la connaissance du vieux français. On ne saurait leur en faire un reproche.

D’un autre côté, le Roland, dont la forme primitive est loin d’offrir la pureté classique, est un de ces textes qu’il faut faire admirer à l’esprit et au cœur des jeunes gens, mais qu’on ne doit pas imposer à leur mémoire.

La meilleure façon d’enseigner notre vieux poème, ce serait, suivant nous, de le lire à haute voix devant les élèves ; ce serait de le lire en une traduction claire, colorée et chaude, au lieu d’aborder le texte original, dont l’accès est encore trop malaisé aux débutants.

Donc, le professeur divisera le Roland en un certain nombre d’épisodes qu’il lira l’un après l’autre et commentera oralement, en imposant seulement à ses élèves la tâche facile de rédiger une analyse sommaire de chacune de ses leçons. C’est le système qui est suivi dans l’enseignement de l’histoire, et il a toujours donné les meilleurs résultats.