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VIII. — La Langue


Il faut ici, tout d’abord, faire une distinction fondamentale entre l’original de la Chanson de Roland, qui n’est certainement point parvenu jusqu’à nous, et le manuscrit d’Oxford, qui est évidemment la très-mauvaise copie d’un ancien texte.

S’il est vrai que le Roland ait été composé par un Normand, comme nous pensons l’avoir démontré, le manuscrit original devait être écrit en dialecte normand.

S’il est vrai que le Roland soit, comme nous l’avons supposé, l’œuvre d’un Normand qui avait vécu en Angleterre, le manuscrit original devait, suivant nous, être écrit en un dialecte dont le vocabulaire très-normand n’était pas sans offrir quelques éléments anglo-normands.

Quant au manuscrit d’Oxford, il est l’œuvre d’un scribe anglo-normand ;

Et ce médiocre écrivain avait sous les yeux un modèle normand qu’il a fort mal copié.

Nos lecteurs trouveront, dans notre édition classique, une Grammaire et un Glossaire complets de la langue de notre scribe,

De sa langue, telle qu’il l’a parlée et écrite, et telle aussi qu’il aurait dû la parler et l’écrire.


IX. — La Versification


Il faut partir de ce fait que les vers du Roland étaient destinés à être écoutés, et non pas à être lus.

Ils ne s’adressaient pas aux yeux, mais à l’oreille.

Des « jongleurs de gestes » parcouraient alors toute l’Europe avec de petits manuscrits dans leurs poches. Arrivaient-ils dans une ville, ils ne prenaient point le temps de se reposer. Encore tout poudreux du voyage et essoufflés, ils attiraient la foule par quelques accords de leur grossier violon, de leur viele, par quelques cris, voire par quelques gambades. Puis ils se mettaient à chanter quelques centaines de vers épiques. Je ne dis pas lire : je dis chanter.