Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Il aura la tête séparée du buste :
" Qu’il en soit bien certain ; il n’a droit qu’à cela. »Aoi.

CCLXVII

Les deux armées sont immenses, splendides les bataillons.
Entre les combattants il n’y a ni colline, ni tertre, ni vallée,
Ni forêt, ni bois ; rien qui les puisse cacher les uns aux autres.
C’est une vallée découverte où ils se voient à plein les uns les autres.
« À cheval ! » s’écrie Baligant, « armée païenne,
« À cheval, et engagez la bataille. »
C’est Amboire d’Oliferne qui porte l’enseigne des païens ;
Et ceux-ci de pousser leur cri : « Précieuse ! »
Et les Français de leur répondre : « Que Dieu vous perde aujourd’hui ! »
Et de répéter cent fois d’une voix forte : « Monjoie ! Monjoie ! »
L’Empereur alors fait sonner tous ses clairons,
Et surtout l’olifant, qui les domine tous.
« La gent de Charles est belle ; » s’écrient les païens :
« Ah ! nous aurons une rude et terrible bataille ! »Aoi.

CCLXVIII

Vaste est la plaine, vaste est le pays,
Et grande est l’armée qui y est assemblée.
Voyez-vous luire ces beaumes couverts de pierreries et d’or ?
Voyez-vous étinceler ces écus, ces broignes bordées d’orfroi,
Ces épieux et ces gonfanons au bout des lances ?
Entendez-vous ces trompettes aux voix si claires ?
Entendez-vous surtout le son prolongé de l’olifant ?
L’Émir alors appelle son frère,
Canabeu, le roi de Floredée,
Qui tient la terre jusqu’à Valsevrée.
Et Baligant lui montre les colonnes de. Charles :
« Voyez l’orgueil de France la louée :
" Avec quelle fierté chevauche l’Empereur !
« Il est là-bas, tenez, au milieu de ces chevaliers barbus :
« Ils ont étalé leur barbe sur leur haubert,