Page:Gautier - Chanson de Roland onzieme edition 1881.djvu/387

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Et veillent près de son corps jusqu’au jour ;
Puis on l’enterra bellement près d’un autel,
Et le Roi lui fit grand honneur.Aoi.

CCC

L’Empereur est de retour à Aix.
Le traître Ganelon, tout chargé de chaînes de fer,
Est dans la cité, devant le palais.
Des sergents.vous l’attachent à un poteau,
Vous lui lient les mains avec des courroies en peau de cerf,

Rien ne lions donne ici l’idée d’un tribuna lromain : c’est bien la procédure germanique. = En troisième lieu, on en arrive au jugement de Dieu, ou à l’ordalie (t. 3790 et suiv.). Ici encore, le doute n’est pas possible, et nous sommes en pleine Germanie. Le campus ou duel est, en effet, commun à toutes les tribus barbares. Voir la loi des Bavarois (17, 1 ; décret. Tass., cap. xi), des Alamans (44, 1 ;84), des Burgun des (tit. 80, 1-3), des Lombards (Roth, 164, 165, 1G6, 198, 203 ; Grimoald, t. VII), des. Thuringiens (15), des Frisons (14, 7 ; 6,1), des Saxons (16), des Anglo-Normands. (Guill. I,1-3 ; III, 12, etc.) = Le quatrième acte de notre drame épique s’ouvre d’une façon imposante. Sur le point d’engager la lutte, les deux champions se confessent, reçoivent l’absolution, sont bénis par le prêtre, entendent la messe et y reçoivent la communion (V. 3858 et suiv.). Après quoi, — le grand combat commence (v. 3862 et suiv.). Ces vers sont conformes à la réalité historique. Quand le champion-allait entrer en lice, on célébrait, en effet, la messe de la Résurrection, ou celle de saint Étienne, ou celle de la Trinité. Et l’on chantait ensuite devant lui le Symbole de saint Athanase. (Voir le Cérémonial d’une épreuve judiciaire au XIIe siècle, publié par Léopold Delisle) Et ce qui se passait encore au XIIe siècle, s’était exactement passé de la même façon sens nos deux premières racés. = On connaît la fin du combat raconté dans notre poème : Thierri tue Pinabel, et les trente otages de Ganelon sont pendus (v. 3967 et suiv.). Il convient d’observer que ce terrible châtiment, infligé à la famille du traître et à ses otages, ne se retrouve pas dans les lois barbares ; mais le principe de la solidarité de la famille est absolument germain, et la coutume des « pleiges s ou " garants » vient exactement de la même source. = Reste Ganelon ; son supplice est épouvantable (v. 3964 et suiv.), mais conforme à la rigueur du droit féodal qui est issu du droit germanique. Les Assises de Jérusalem ne laissent aucun doute à cet égard : «-Si la bataille est de chose qu’on a mort desservie, et si le garant est vaincu, il et celui pour qui il. a fait la bataille seront pendus. » (XXXVII et XCIV.) Quant au genre de supplice que l’on fait subir au traître, c’est l’écartèlement, qui n’est pas ’indiqué dans les lois germaines, mais qui est le supplice réservé plus tard à tous les traîtres, à ceux qui livrent leur pays, à ceux qui offraisent la majesté du roi. = Tels sont les cinq Actes de Ganelon, de ce drame épique, et l’on pourrait à ces cinq actes donner pour titres : 1° La Torture. 2° Le Plait. 3° La Messe du jugement. 4° Le Duel. 5° Le Supplice. Nous tenions à suivre avec soin toute la marche de cette procédure criminelle, la plus ancienne que nous rencontrions dans nos Chansons de geste.