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ÉCLAIRCISSEMENT III


SUR LE COSTUME DE GUERRE


Une étude spéciale sur les armures décrites dans la Chanson de Roland ne sera peut-être pas sans offrir quelque intérêt. Tout d’abord, elle mettra le lecteur à même de saisir plus aisément ces mille passages de notre poème, où il est question de helmes, d’osbercs, d’espiez, de gunfanuns, etc. etc. Sans doute, nous avons essayé de rendre notre traduction claire et limpide pour tout le monde, voire pour les femmes et pour les enfants. Même, nous l’avons accompagnée d’un Commentaire où nous avons rapidement décrit les différentes pièces de l’armure. Mais on comprendra encore mieux la vieille chanson, quand, dans un tableau d’ensemble, nous en aurons expliqué de nouveau tous les termes difficiles. Une seconde utilité de ce travail frappera davantage les érudits : la description de ces armures se rapporte évidemment au temps où fut écrit le poème. Et, par conséquent, nous pouvons nous en servir pour fixer, d’une manière véritablement scientifique, cette époque si difficile à bien préciser.

Commençons par décrire l’armure offensive.

1o La pièce principale est l’épée. L’épée est l’arme noble, l’arme chevaleresque par excellence. On est fait chevalier per spatam (comme aussi per balleum, par le baudrier, et per alapam, par le soufflet ou le coup de paume donné au moment de l’adoubement). Mais c’est l’épée qui demeure le signe vraiment distinctif du chevalier.

L’épée est, en quelque manière, une personne, un individu. On lui donne un nom : Joyeuse est celle de Charlemagne (vers 2989) ; Almace, celle de Turpin (2089) ; Durendal, de Roland (988) ; Halteclere, d’Olivier (1363) ; Précieuse, de l’Emir (3146), etc.

Chaque héros garde, en général, la même épée toute sa vie, et l’on peut se rappeler ici la très longue énumération de toutes les victoires que Roland a gagnées avec la seule Durendal : Si l’en cunquis e Peilou e le Maine ;

Jo l’en cunquis Normandie la franche, etc. (2315 et ss.)

L’épée est tellement importante, aux yeux du chevalier, que Dieu l’envoie parfois a nos héros par un messager céleste. C’est ainsi qu’un ange remit à Charlemagne la fameuse Durendal pour le meilleur capitaine de son armée. (2319 et suiv.) Aussi ne faut-il pas s’étonner si nos héros aiment leur épée et s’ils parlent avec