Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/13

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de la salle que nous décrivons : les Sabines et Léonidas aux Thermopyles. David, dont la gloire a été un instant voilée par la poussière que soulevaient vers 1830 les grandes luttes des romantiques contre les classiques, n’en restera pas moins désormais un maître au-dessus de toute atteinte. Il a, chose rare dans l’art, trouvé et réalisé de toutes pièces un idéal nouveau. Certes, il n’entre pas dans notre idée de rabaisser l’art charmant, spirituel et vraiment français du dix-huitième siècle, mais il fallait une singulière force de conception pour se séparer ainsi brusquement de ce milieu et s’arracher à cette atmosphère argentée et bleuâtre où voltigeaient les Amours de Boucher. On ne se dit pas assez aujourd’hui, blasé qu’on est par les imitations et les pâles contre-épreuves qui suivirent, combien alors était neuf, original, imprévu, sorti d’un jet et tout armé du cerveau de l’artiste, ce talent qu’il a été de mode naguère d’amoindrir et d’envelopper dans la réprobation qu’il fallait réserver à ce qu’on appelle dans les ateliers « le genre empire ». Quoi qu’on en ait dit, Vien n’a pas été le précurseur de David, et c’est peine perdue de lui chercher des ancêtres. Rien ne l’a précédé ; il est né spontanément, et l’on peut appliquer à sa peinture le mot latin prolem sine matre creatam. Jamais volonté plus infatigable ne poursuivit le Beau, et s’il est des natures plus heureusement douées que celle de David, il n’y en a pas de plus ferme, de plus résistante, de plus acharnée à son projet. C’était un mâle génie. Il aimait l’art d’un âpre amour et le prenait au sérieux. Sa passion pour l’antique, passion