Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/14

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inconnue au dix-huitième siècle, a pu se tromper et confondre la statuaire grecque et la statuaire romaine, mais Winckelmann, l’érudit archéologue, n’en faisait pas d’autres. La critique n’était pas née encore, on ignorait les sculptures du Parthénon. Mais David sentait que le vrai beau était là et que c’était à ces précieux restes qu’il fallait demander les belles lignes, les intentions héroïques et les nobles mouvements.

Du reste, on se tromperait fort en pensant que David n’avait pas le sentiment direct de la nature, ou ne la voyait qu’à travers l’antiquité. Le portrait du pape Pie VII, Marat dans sa baignoire, montrent assez qu’il savait la rendre avec toute sa simplicité et toute son énergie. Il ne reculait pas même devant l’horreur, malgré son amour de la beauté classique. Que son style si nouveau et si hardi soit devenu académique plus tard par l’imitation, c’est un malheur dont on ne saurait rendre l’artiste responsable. Tout original crée des copies. On ne peut refuser à David une grande science du dessin fortifiée par l’étude incessante du modèle, anoblie et comme ramenée au type général par la familiarité de l’antique. Sa composition était raisonnée, équilibrée et symétrique comme le plan d’une belle tragédie. Sans doute ses personnages se figeaient parfois en statues, ses groupes s’arrangeaient comme s’ils adhéraient au fond de marbre d’un bas-relief. Le frémissement et la palpitation de la vie lui manquèrent souvent ; mais, à travers cette froideur plus apparente que réelle, on devine une passion intense,