Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/32

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le milieu est rempli par des vitrines renfermant des vases d’argent, des coupes d’or, des onyx, des jades, des bijoux, des émaux et tous ces joyaux où le travail dépasse encore la matière quelque précieuse qu’elle soit. Vous reconnaîtrez là les modèles que Blaise Desgoffes sait rendre avec une si merveilleuse illusion. Des portraits de peintres, de sculpteurs, d’architectes, exécutés aux Gobelins en tapisserie, décorent les murailles encastrés dans de riches ornements. Quand vous serez au milieu de la galerie, n’oubliez pas de relever la tète, et vous serez ébloui par un splendide plafond d’Eugène Delacroix. Apollon purgeant la terre des monstres qui grouillent dans le limon primitif. Le dieu s’élançant sur son char d’or traîné par des chevaux ardents comme le feu, étincelants comme la lumière, se penche et crible de ses flèches les créations difformes, avortements de la nature encore malhabile, qui se tordent hideusement dans les convulsions de l’agonie. Sa sœur Diane l’aide à cette besogne divine de faire succéder la lumière à l’ombre, l’harmonie au chaos, la beauté à la laideur. Le chœur des dieux bienfaisants se joint à lui, et les génies du mal se précipitent dans l’abîme. Admirez au premier plan cette nymphe vue de dos, auprès de laquelle se roule une panthère, et vous verrez que pour la couleur, la France n’a plus rien à envier à l’Italie, à la Flandre ni à l’Espagne. Delacroix, dans cette grande page où se déploie à l’aise son talent fougueux, montre une entente de la peinture décorative que nul n’a surpassée. Impossible, tout en conservant son génie propre, de mieux se