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L’ORIENT.

vieilles peintures italiennes qui se rapportent à l’époque de la puissance maritime des Vénitiens et des Génois ; mais ce qui surprend aujourd’hui, c’est de le trouver encore si pareil à l’idée qu’on s’en est formée. On coudoie avec surprise cette foule bigarrée qui semble dater de deux siècles, comme si l’esprit remontait les âges ; comme si le passé splendide des temps écoulés s’était reformé pour un instant. Suis-je bien le fils d’un pays grave, d’un siècle en habit noir et qui semble porter le deuil de ceux qui l’ont précédé ? Me voilà transformé, observant et posant à la fois, figure découpée d’une marine de Joseph Vernet. »

Cette sensation, nous l’avons éprouvée nous-même plus d’une fois en Afrique, en Grèce, à Constantinople ; et c’est une des plus vives qui puisse chatouiller encore un esprit blasé par la monotonie des civilisations. L’aspect de la barbarie plus rapprochée de la nature que l’état où nous vivons semble remuer au fond de l’homme les anciens instincts primitifs endormis et exerce