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SYRIE.

une séduction irrésistible. La société y écrase moins l’individu, chacun y a davantage la responsabilité de soi-même. Aussi quelle ineffable dignité possède le moindre Levantin, qu’il soit vêtu d’un soyeux burnous ou seulement drapé d’une loque ! L’on se sent si misérable, si disgracieux, si laid dans ce hideux habit moderne que, bien qu’il soit une protection en Orient, on a hâte de le dépouiller, car l’on est gêné parmi cette foule éclatante où l’on fait tache, comme lorsqu’on tombe en frac noir au milieu d’un bal masqué.

Gérard ne manque pas d’ajouter à son costume un détail de parure particulièrement syrienne, qui consiste à se draper le front et les tempes d’un mouchoir de soie rayé d’or, qu’on appelle keffieh et que l’on fait tenir sur la tête en l’entourant d’une corde de crin tordu. L’utilité de cet ornement est de préserver les oreilles ou le col des courants d’air si dangereux dans les montagnes. — Ainsi costumé, notre ami Gérard avait l’air d’un roi mage, il l’avoue lui-même, en faisant