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ACROBATES ET SALTIMBANQUES ORIENTAUX.

les cheveux d’un noir bleu, le teint cuivré, les yeux comme des points de jais, la physionomie intelligente et fine ; son costume consistait en une robe de soie à manches larges, ramagée de diverses couleurs, sur fond brun, et brodée çà et là de quelques disques d’or. Près de l’estrade une fillette de dix ou douze ans, à la figure ronde comme une pleine lune et dont les sourcils ressemblaient à des feuilles de saule posées obliquement, jouait d’une espèce de guitare dont elle grattait les cordes avec un plectrum, comme cela se pratiquait pour la lyre antique. Elle chantait, de cette voix nasillarde et gutturale à la fois, qui plaît aux Orientaux et agace les oreilles des dilettanti européens, une cantilène en mode mineur très-bien rhythmée, qu’on aurait pu facilement noter, d’une tristesse nostalgique et rappelant le caractère des mélodies tsiganes. Cette chanson étrange et d’un charme barbare ne paraissait pas réjouir beaucoup les anges du paradis, qui lui eussent préféré Ohé ! les petits agneaux, ou J’ai un pied qui remue ! mais nous l’écoutions avec une rare