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L’ORIENT.

hérissées, croisées en tout sens, dont le soleil ne peut percer l’ombre séculaire, que fouette en plein jour l’aile des chauves-souris trompées par ce crépuscule éternel ; chaos verdoyant où le cobra-capello siffle sous les joncs et les nénufars au bord des mares empoisonnées ; où les singes, hideuses caricatures humaines, soldats dispersés de l’armée qui conquit Ceylan pour Rama, sautillent de branche en branche parmi les vols effrayés de perroquets et de kokilas ; où le serpent boa, s’enroulant autour d’un palmier, s’amuse à faire d’un tronc droit une colonne salomonique ; ah ! combien souvent, répondant d’une façon distraite à la question d’un ami, nous descendions en idée les escaliers de marbre blanc de Bénarès qui conduisent au Gange, le fleuve sacré ! Quelles silhouettes de villes prodigieuses nous nous sommes dessinées à l’horizon du rêve, sur les rougeurs d’un couchant fantastique, pagodes indiennes, minarets mahométans, dômes, coupoles, tours, toits en terrasse entre lesquels jaillissent des palmiers, longues bandes de