Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
ÉGYPTE.

tion. Les vagues s’enflent, s’avancent et se brisent, formant de ces crêtes d’écume qu’on appelle moutons, avec une agitation stérile et une variété monotone qui finit par lasser le regard. L’ennui vous prend malgré vous, bien qu’on se batte les flancs pour admirer les jeux de la lumière, les levers et les couchers du soleil, et les traînées de paillettes que verse la lune sur le fourmillement perpétuel des flots. On se prend à désirer quelque chose de moins vaguement immense, de plus délimité, de plus précis, où la pensée puisse se poser, comme ces oiseaux de passage qui, lassés de leur vol, s’abattent un moment, pour reprendre haleine, sur les vergues du navire.

Bientôt l’on franchit le détroit qui sépare la Corse de la Sardaigne, jetées sur la mer comme deux immenses feuilles d’arbre dentelées, et les passagers, montés sur le pont, ne manquèrent pas d’admirer le roc bizarrement taillé en forme d’ours qui semble garder la pointe de la dernière île ; mais la nuit, prompte à venir au mois d’octobre, fit dis-