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ÉGYPTE.

Le train, qui s’arrêta, fut aussitôt envahi par une bande de femmes et d’enfants offrant aux voyageurs de l’eau fraîche, des oranges, des bigarrades, des pâtisseries au miel, et c’était un plaisir de voir ces brunes figures apparaître à la portière du wagon, montrant leurs dents blanches dans un large sourire. Le sifflet de la locomotive poussa une note perçante, et l’on se remit en marche. Nous aurions bien voulu rester quelque temps à Damenhour, mais le voyage, comme la vie, se compose de sacrifices. Que de choses charmantes, si l’on veut arriver au but, est-on forcé de laisser sur les bords de la route ! Tout voir. Dieu seul le peut ; l’homme doit se contenter de voir quelque chose ! Il nous fallut donc quitter Damenhour, et contempler de loin ce rêve sans nous y promener.

Autant que notre vue, aidée de la lorgnette, pouvait s’étendre, la campagne se prolongeait jusqu’à la ligne d’horizon, coupée de canaux, quadrillée de rigoles, brillantée de flaques d’eau, parsemée de bouquets de sycomores ou de dattiers, rayée de cultures,