Page:Gautier - L’Orient, tome 2, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
L’ORIENT.

accidentée de saqquiehs, et animée par un perpétuel va-et-vient de travailleurs et de passants suivant à chameau, à cheval, à âne, à pied, les étroites chaussées bordées de roseaux. De loin en loin s’arrondissait, à l’ombre d’un mimosa, la coupole blanche d’un marabout. Parfois un enfant nu se tenait immobile au bord de l’eau, dans une pose de rêverie inconsciente, se laissant pénétrer par la grande nature, et ne détournant même pas la tête pour regarder le convoi fuir à toute vapeur. Cette gravité profonde dans l’enfance est particulière à l’Orient. Quelle pensée pouvait occuper ce gamin debout sur sa motte de terre comme un stylite sur sa colonne ?

De temps en temps, des vols de pigeons, occupés à picorer, partaient d’un brusque essor au passage du convoi, pour s’aller poser un peu plus loin dans la plaine ; des oiseaux aquatiques filaient à travers les joncs, les pattes tendues en arrière ; de gentilles bergeronnettes sautillaient, hochant la queue sur la crête des levées, et dans le ciel, à de grandes hauteurs, planaient des éperviers,